Initié en 2009, le “procès italien de l’amiante“ (le plus grand procès pénal jamais intenté en Europe pour une catastrophe environnementale) a rendu son verdict: 16 ans de prison pour les deux accusés – Stéphan Schmidheiny, ex-propriétaire du groupe suisse Eternit et le baron belge Jean-Louis De Cartier de Marchienne, ex-administrateur d’Eternit Italie. Jugés par contumace, ils ont été considérés responsables de la mort de près de 3000 personnes en Italie.
Réaction des proches des victimes de l'amiante à la lecture du verdict du procès de l'amiante à Turin (Italie), le 13 février 2012.
16 ans de prison requis pour les deux accusés du procès de l’amiantePour la première fois, les propriétaires des multinationales (et non les responsables locaux) ont dû répondre de la mort d’environ 3 000 personnes et d’un désastre environnemental permanent. Le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny, ex-propriétaire du groupe suisse Eternit et le baron belge Jean-Louis De Cartier de Marchienne, ex-administrateur d’Eternit Italie sont soupçonné d’avoir omis volontairement de protéger la santé de leurs employés. Ce qui a eu pour conséquence de provoquer près de 3000 décès par cancer de la plèvre (1 800 pour la seule ville de Casale Monferrato) et 700 cas de fibrose pulmonaire. Les ouvriers des entreprises mais aussi leurs familles et les habitants vivant près des usines comptent parmi les victimes. Ce combat avait fait l’objet
d’une soirée thématique sur Arte le 29 novembre 2011.Avec 6 337 parties civiles, un dossier de 220 000 pages, cinq ans d’enquête préalable, trois ans d’audience, des millions de dédommagements et un verdict inédit, le plus grand procès pénal sur l’
amiante pourrait avoir des répercussions hors des frontières italiennes. Mais les accusés représentés en Italie par leurs avocats feront-ils face à leurs obligations ? Rien n’est moins sûr…Quelles répercussions en France ?En France, l’Andeva, association de victimes de l’amiante qui avait manifesté sa solidarité avec les victimes italiennes en assistant au procès, a déclaré dans un communiqué : “Cette condamnation pénale est une première mondiale. Elle résonne comme un avertissement pour tous ceux qui ont fait passer le profit avant la santé des ouvriers et comme un encouragement à continuer la lutte pour la justice, pour l’éradication de l’amiante et pour la recherche médicale. L’Andeva salue l’intégrité et la ténacité du procureur italien Guariniello qui n’a pas hésité à poursuivre des hauts dirigeants de cette multinationale de l’amiante-ciment“.Interrogé sur les conséquences que pourrait avoir ce procès en France, l’avocat français Jean-Paul Teissonnière qui y a plaidé estimait en octobre 2011 que “Si une condamnation est prononcée à hauteur des peines requises, 15 et 18 ans d’emprisonnement, cela constituerait une interpellation pour l’institution judiciaire française, dans la mesure où un traitement aussi inégal de situations semblables serait absolument incompréhensible. Quel que soit son résultat, le procès de Turin peut, selon moi, poser les prémisses d’un tribunal pénal international sur les crimes sociaux et environnementaux“. L’amiante est un matériau encore largement utilisé dans le monde. Interdit en Europe depuis 2005, l’amiante reste utilisé dans de nombreux pays sans précautions particulières, en particulier dans les pays émergents. Les principaux producteurs mondiaux sont la Russie, la Chine, le Canada et le Brésil.On estime qu’en France, plus de 35 000 décès ont été constatés en France du fait de l’amiante entre les années 1960 et son interdiction tardive en 1997. Compte tenu du délai entre l’exposition et la survenue de la maladie, 60 000 à 100 000 décès sont attendus dans les 20 à 25 ans à venir.David BêmeSource :Communiqué d’Andeva – 13 février 2012 (
accessible en ligne)Photo : Daniele Badolato/AP/SIPA